13 millions d’hectares de forêt naturelle disparaissent de la surface terrestre chaque année. De cette destruction, ce sont des milliards d’organismes vivants, de réseaux d’échanges biochimiques, d’interractions et des complémentarités extrèmement anciennes et complexes qui sont anéanties. Ce foisonnement d’espèces et de flux vitaux qui se jouent de la cellule la plus élémentaire à l’organisme le plus élaboré constituent un incroyable réservoir de savoirs et de potentiels inexploré, un continent à découvrir, un horizon sous nos pas. Ce berceau, cet inextricable chaos, cet organisme indompté est aujourd’hui remplacé par un autre système, beaucoup plus simple et rationnel, celui du productivisme effréné de l’économie de marché mondialisée.
Pour alimenter notre insatiable besoin de matières premières, pour élargir les zones de productions et satisfaire à nos besoins matériels toujours croissants. Pour faciliter le flux des marchandises et assurer leur distribution n’importe où dans le monde, de nouveaux réseaux se dessinent et de longues cicatrices apparaissent sur la surface terrestre. Au coeur même des forêts primaires, de nouvelles formes s’invitent dans le paysage, géométriques, méthodiques, elles sont comme les pièces manquantes d’un puzzle que l’on est occupé à déconstruire.
Les images qui suivent sont des paysages sans perspectives. Ce sont mes immersions refuges au coeur de ces enchevêtrements de vies, les godasses dans la boue, les genoux dans ronces et les toiles d’araignées dans les cheveux. D’autres images arrivent du ciel. Captées par les satellites en orbite qui enregistrent d’un oeil indifférent les bouleversements silencieux du monde.